Comme en toutes choses, il y a les authentiques palais et les autres.
En Inde, foi de baroudeur, n’importe quel hôtel miteux prend l’appellation extravagante de palais (Pearl Palace à Jaipur, sympa mais limite YMCA, Bharatpur Palace de Pushkar, au charme certes indéniable si ce n’est les attaques commando des singes …).
Les seuls véritables palaces que nous ayons croisés ont été les splendides demeures de marchands (Havelli aux façades en dentelle de bois) de Bikaner transformés en Paradores à la mode indienne ou encore, perdu en pleine cambrousse, le Bijaïpur Palace, ancien palais de Rajah, où il fait bon séjourner en dehors du temps (on peut même y pratiquer le ping-pong ou y jouer à la canasta).
Quant aux palais, ceux des Maharajah et Maharani de Jaipur, Bîkaner, Jodhpur ou Udaïpur, là, c’est vrai, on est littéralement époustouflé. Rien, au premier coup d’œil et même au second, ne laisse percevoir, derrière le secret de leur splendeur minérale, la magnificence démesurée que resserrent leurs remparts. Ces beautés cachées se méritent bien souvent après avoir crapahuté le long d’interminables rampes d’accès où nos piètres jambes d’occidentaux peinent à s’inscrire dans les pas de ceux laissés par les éléphants guerriers d’autrefois. Versailles n’a qu’à bien se tenir !
Maintenant, pièce de résistance pour ainsi dire, les forteresses dites Garh (Kumbalgarh, Chittaurgarh).
A côté, « donjons et dragons » sont réservés à d’attardés adolescents. Fantasmagorie du décor, brumeux à souhait ! Rien de comparable en occident : des murs d’enceinte sur des dizaines de kilomètres pour enfin arriver à des constructions – ou ce qu’il en reste – tout-à-fait saisissantes où l’histoire semble toujours s’écrire dans le dédale des couloirs, entre lances acérées et autels inattendus.
Mentions spéciales :
Le Palais des Vents à Jaipur, rose comme la ville entièrement repeinte pour l’arrivée du Prince héritier grand-breton au début du XX° siècle. Le palais, caravansérail jusqu’aux temps modernes, est un vaste paravent qui semble tenir physiquement par l’opération du Saint Esprit : une façade d’une minceur extrême suffisante pour contenir quelques pièces d’apparat et rien derrière !
Le Palais de Jaipur : miroir oh mon beau miroir, les jarres d’argent tout entier se font voir (spécimens magistraux d’une joaillerie sans pareil, les plus grands au monde). Ce jour-là, si l’on en croit l’absence de couleurs sur le toit principal du palais, la reine, pardon, la Maharani était absente.
Le palais d’Udaïpur : autrefois un lotus sur l’onde, aujourd’hui, une meringue hôtelière sur l’eau. N’empêche, c’est une petite construction vénitienne à lui tout seul. Luxe, calme et volupté !
Bundi : en dehors des sentiers battus, des mosaïques turquoise à crever les yeux, témoignage bluffant de techniques artistiques rarement égalées (même en Chine…).
Agra : Le Taj Mahal. C’est tout. Ah bon ! Vous vouliez un commentaire ? Allez, c’est bien parce que c’est vous, on est gentil ! Oui, ce palais édifié pour l’amour d’une épouse disparue (Moumtaz la bienaimée) n’est que splendeur, tout particulièrement lorsque l’on s’y promène à l’aube. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il est tout aussi beau côté cour que côté jardin (on accède au côté cour par une longue route au tracé compliqué qui débouche sur le fleuve Yamuna dans lequel se baignent des buffles et sa plage où s’égayent les enfants des faubourgs).
Au-delà ou plutôt en deçà des clichés touristiques, il est difficile d’imaginer un tel palais serti, non, cerné par la ville indienne dans ce qu’elle a de plus populacier : maisons en ruine, cours boueuses, étals d’artisans à même le sol et boucheries en plein air. En fait, rien que de très naturel, car c’est ainsi que se sont toujours montrés les palais en Inde.